Rapport mondial de suivi sur l'éducation 2023
Les technologies dans l’éducation: qui est aux commandes?
Télécharger PDF
Animation: Housatonic Design Network. Cover Image: Ismael Martínez Sánchez/ProFuturo
Téléchargement direct
Rapport mondial de suivi sur l'éducation 2023
MESSAGES CLÉS
On manque de données solides et impartiales sur l’impact des technologies éducatives.
- On manque de données solides sur la valeur ajoutée que les technologies numériques apportent à l’éducation. La cadence rapide d’évolution des technologies rend leur évaluation difficile : les produits technologiques éducatifs changent tous les 36 mois en moyenne. La plupart des données sont issues des pays les plus riches. Au Royaume-Uni, 7 % des entreprises de technologies éducatives avaient mené des essais contrôlés randomisés, et 12 % avaient eu recours à la certification par un organisme tiers. Selon une enquête menée auprès des enseignants et des administrateurs dans 17 États des États-Unis, seuls 11 % d’entre eux avaient sollicité des données ayant fait l’objet d’un examen collégial avant d’adopter des technologies éducatives.
- Une grande partie des données probantes proviennent des entités qui cherchent à vendre ces technologies. Pearson a financé ses propres études, venant contester une analyse indépendante qui avait montré l’absence d’impact de ses produits.
La technologie offre une bouée de sauvetage éducative à des millions de personnes, mais en exclut bien d’autres.
- Les technologies accessibles et la conception universelle ont ouvert des possibilités aux apprenants handicapés. Environ 87 % des adultes présentant une déficience visuelle ont indiqué que les appareils technologiques accessibles remplaçaient les outils d’assistance traditionnels.
- La radio, la télévision et les téléphones portables remplacent l’éducation traditionnelle parmi les populations difficiles à atteindre. Près de 40 pays utilisent l’instruction radiophonique. Au Mexique, un programme de leçons télévisées associées à un soutien en classe a fait augmenter la scolarisation dans l’enseignement secondaire de 21 %.
- L’apprentissage en ligne a mis un terme à l’effondrement de l’éducation pendant les fermetures d’écoles liées à la COVID-19. L’apprentissage à distance aurait pu atteindre plus d’un milliard d’élèves ; cependant, il n’est même pas parvenu à toucher un demimilliard d’élèves, soit 31 % des élèves du monde entier, et 72 % des plus pauvres.
- Bien que le droit à une véritable connectivité soit de plus en plus lié au droit à l’éducation, des inégalités d’accès demeurent. Dans le monde, seuls 40 % des écoles primaires, 50 % des établissements du premier cycle du secondaire et 65 % des établissements du deuxième cycle du secondaire ont une connexion Internet et 85 % des pays disposent de politiques visant à améliorer la connectivité des établissements scolaires ou des apprenants.
Certaines technologies éducatives peuvent améliorer certains types d’apprentissage dans certains contextes.
- Les technologies numériques ont drastiquement amélioré l’accès aux ressources d’enseignement et d’apprentissage. Parmi les exemples, on peut citer la bibliothèque scolaire numérique nationale de l’Éthiopie et la bibliothèque numérique nationale de l’Inde. Au Bangladesh, le portail des enseignants compte plus de 600 000 utilisateurs.
- Les technologies ont eu des effets positifs modestes à moyens sur certains types d’apprentissage. Selon un examen de 23 applications de mathématiques utilisées dans l’enseignement primaire, ces applications se concentrent sur les exercices et la pratique, plutôt que sur les compétences avancées.
- Cependant, il faudrait se concentrer sur les résultats d’apprentissage, et non sur les ressources numériques. Au Pérou, lorsque l’on a distribué plus d’un million d’ordinateurs portables sans les intégrer à la pédagogie, l’apprentissage n’a pas connu d’amélioration. Aux États-Unis, une analyse portant sur plus de deux millions d’élèves a révélé que les inégalités d’apprentissage s’étaient creusées lorsque l’enseignement avait été exclusivement dispensé à distance.
- Par ailleurs, les technologies n’ont pas besoin d’être avancées pour être efficaces. En Chine, des enregistrements de cours de grande qualité fournis à 100 millions d’élèves en milieu rural ont amélioré les résultats d’apprentissage de 32 % et réduit les écarts de revenus entre les zones urbaines et rurales de 38 %.
- Enfin, elles peuvent avoir un effet néfaste en cas d’utilisation inappropriée ou excessive. Les données tirées d’évaluations internationales à grande échelle, comme celles de l’enquête PISA, suggèrent un lien défavorable entre l’utilisation excessive des technologies de l’information et de la communication (TIC) et la performance des élèves. On a trouvé que la simple proximité avec un appareil mobile distrayait les élèves et avait un impact négatif sur l’apprentissage dans 14 pays, pourtant, moins d’un sur quatre a interdit l’utilisation des téléphones intelligents dans les établissements scolaires.
La rapidité de l’évolution des technologies complique l’adaptation des systèmes éducatifs.
- Les pays commencent à définir les compétences numériques auxquelles ils souhaitent donner la priorité dans les programmes d’enseignement et les normes d’évaluation. Au niveau mondial, 54 % des pays disposent de normes en matière de compétences numériques mais, bien souvent, elles ont été définies par des acteurs non étatiques, principalement commerciaux.
- De nombreux élèves n’ont pas souvent l’occasion d’utiliser les technologies numériques à l’école. Même dans les pays les plus riches, seuls environ 10 % des élèves de 15 ans utilisaient des appareils numériques pendant plus d’une heure par semaine dans le cadre des cours de mathématiques et de sciences.
- Les enseignants se sentent souvent mal préparés et manquent d’assurance pour enseigner avec les nouvelles technologies. Seulement la moitié des pays disposent de normes relatives au développement des compétences des enseignants en matière de TIC. Alors que 5 % des attaques de rançongiciels ciblent l’éducation, peu de programmes de formation des enseignants comprennent un volet sur la cybersécurité.
- Plusieurs problèmes nuisent au potentiel des données numériques en matière de gestion de l’éducation. De nombreux pays ne disposent pas de capacités suffisantes : à peine plus de la moitié des pays utilisent des numéros d’identification des élèves. Les pays qui investissent dans les données rencontrent des difficultés : selon une récente enquête menée auprès des universités du Royaume- Uni, 43 % éprouvaient des difficultés pour relier les systèmes de données.
Le contenu en ligne s’est développé en l’absence de réglementation suffisante concernant le contrôle qualité ou la diversité.
- Le contenu en ligne est souvent produit par les groupes dominants, ce qui influe sur l’accès à ce contenu. Près de 90 % du contenu des archives de l’enseignement supérieur incluant des collections de ressources éducatives en libre accès a été créé en Europe et en Amérique du Nord ; 92 % du contenu de la bibliothèque mondiale « OER Commons » est en anglais. Les cours en ligne ouverts à tous profitent principalement aux apprenants éduqués et à ceux des pays riches.
- C’est au niveau de l’enseignement supérieur que l’on adopte le plus rapidement les technologies numériques et que ces dernières entraînent le plus de transformations. Plus de 220 millions d’étudiants ont assisté à des cours en ligne ouverts à tous en 2021. Cependant, les plateformes numériques remettent en cause le rôle des universités et posent des défis réglementaires et éthiques, par exemple en lien avec les offres d’abonnement exclusives et les données des étudiants et du personnel.
Les technologies sont souvent achetées pour combler une lacune, sans s’interroger sur les coûts à long terme…
- … pour les budgets nationaux. Le coût du passage à l’apprentissage numérique de base dans les pays à revenu faible et du raccordement de toutes les écoles au réseau Internet dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure ferait augmenter de 50 % leur déficit de financement actuel en vue de la réalisation des cibles nationales liées à l’ODD 4. L’argent n’est pas toujours bien dépensé : près des deux tiers des licences de logiciels éducatives n’étaient pas utilisées aux États-Unis.
- … pour le bien-être des enfants. Les données des enfants sont exposées ; pourtant, seuls 16 % des pays garantissent explicitement la confidentialité des données dans l’éducation par la loi. Selon une analyse, 89 % des 163 produits technologiques éducatifs recommandés pendant la pandémie pouvaient surveiller les enfants. En outre, 39 des 42 gouvernements ayant fourni un enseignement en ligne pendant la pandémie ont favorisé des utilisations qui mettaient en péril ou enfreignaient les droits des enfants.
- … pour la planète. Selon une estimation des émissions de CO2 qui pourraient être évitées, si l’on prolongeait d’un an la durée de vie de tous les ordinateurs portables dans l’Union européenne, cela équivaudrait à retirer près d’un million de voitures de la circulation.